Quand des entreprises françaises misent sur le talent des autistes.
L’intelligence hors norme a la cote. Longtemps ignorés, les autistes Asperger voient leurs capacités prises en considération pour le marché du travail : en effet, leur capacité élevée de concentration, leur sens du détail et leur perfectionnisme sont des atouts qui leur offrent de plus en plus d’opportunités. Ce changement, ce sont des associations sur l’autisme qui mettent en relation autistes et entreprises qui l’ont facilité. Parmi les patrons sensibles à ce sujet, Laurent Delannoy, cofondateur d’Avencod, entreprise spécialisée dans les services numériques dont 18 salariés sur un total de 22 sont majoritairement autistes Asperger et avec un haut potentiel.
« C’est très enrichissant en terme de management. Cela nous apprend à avoir une ouverture d’esprit. Petit à petit, on les fait monter en compétence. » (L. Delannoy)
Un agrément avec la Direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi lie la société à un contrat d’objectifs triennal pour leur permettre d’évoluer vers le milieu professionnel ordinaire. Analyste-programmateur, développeur ou testeur, les salariés autistes chez Avencod trouvent leur place, et ceux qui ont quitté la société ont soit trouvé un emploi dans une entreprise d’informatique soit finalisé un bac +5. De plus, du fait qu’ils sont majoritaires et travaillent ensemble, les autistes n’ont pas le poids des interactions sociales qui les angoissent. Cependant, il y a une volonté de s’intégrer et les autistes apprennent au fur et à mesure l’habilité sociale. Lancée à Nice, cette start-up lance une antenne à Marseille avec le soutien des fondations Orange et Malakoff Médéric handicap.
En France, une loi de 1987 stipule que les entreprises de plus de 200 personnes doivent recruter des travailleurs.euses handicapés à hauteur de 6% de leurs effectifs. Les nouvelles représentations de l’autisme (ce n’est plus vu comme une maladie mentale mais un handicap) sont à l’origine d’initiative d’embauche mais également la pénurie de compétences qui poussent des entreprises comme Avencod à s’intéresser à une nouvelle population pour l’embauche. Une autre start up s’impose dans cette initiative : Aspertise, fondée par Frédéric Vezon, lui-même autiste, et qui s’est donné pour but de trouver ces « expertises hors-norme » et de les placer en mission dans des entreprises ou de grands groupes. L’originalité d’Aspertise est d’avoir créé un environnement qui encourage les autistes à apprendre à valoriser leurs compétences, qui leur apporte du soutien en cas de difficulté et qui permet aux employeurs d’avoir un interlocuteur capable de comprendre ces personnes spéciales. Malheureusement, Vezon s’est heurté à des obstacles bureaucratiques et administratifs : la nécessité d’accréditation mais le refus de la part du gouvernement de le faire par manque de subvention…
« Le chemin est encore long pour mettre fin aux clichés et aux préjugés » (F. Vezon)
« Le chemin est encore long pour mettre fin aux clichés et aux préjugés » affirme tristement Vezon. Cependant, il ne faut pas perdre espoir! Daniela Caruso, professeure de droit à l’université de Boston, fait le constat que lorsque l’autisme est perçu comme un handicap, l’accent est mis sur l’urgence de la recherche et les coûts, mais dès lors que leurs qualités sont mises en avant, ils sont vus comme un investissement. L’intégration des « hors-norme » est tout à fait possible, même si nous sommes encore loin d’une situation parfaite, mais il faut surtout retenir que c’est dans un cadre bienveillant que les atypiques pourront s’épanouir et évoluer en société.
Source : article d’après Nathalie Lamoureux, Le Point, novembre 2019